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Julie Navarro La Pelle et la pioche 17 juin-20 juin 2010 Montreuil. Chaudronneries de Montreuil Julie
Navarro a exposé une partie de sa production photographique dans le
cadre de la première édition de la manifestation «La Pelle et la pioche
du 18 juin» qui s'est tenue aux Chaudronneries de Montreuil recyclées en
espaces culturels par Richard Choukroun. |
Par Nicolas Villodre
Lyonel Kouro, G.G. Lefève et Jh. Meunier avaient invité un certain
nombre d'artistes, qui à accrocher leurs photos (Marion Dalas, Pierre
Montagnez, Anthony Valon, Julie Navarro) ou leurs peintures, qui à
disposer dans les vastes hangars leurs sculptures, qui à projeter leurs
vidéos sur le grand écran fixé sur le mur situé près du bar (notamment
l'hommage à Maurice Cullaz rendu par Jean-Henri Meunier). La nuit venue,
on pouvait assister à des concerts de musique pour jeunes, apparemment
programmés par le producteur «multikulti» Martin Meissonnier (Dada
Roots, Nif, V-maxx... Ray Lema).
Julie Navarro est à la fois peintre, photographe et adjointe à la
Culture à la Mairie du XIXe arrondissement de Paris. Elle a plusieurs
expositions personnelles de peinture à son actif. Ses photos sont
proches de ses tableaux. Non seulement les œuvres se rejoignent par leur
thématique (notamment le sujet des vieilles), par leur genre (la
spécialité du paysage), mais par le regard porté sur le monde: elle est
proche et lointaine de son objet, et se tient à une assez courte
distance.
Ses paysages forestiers sont parfois bel et bien floutés. On pourrait
les qualifier de post-romantiques. Il semblerait, en effet, que la
vision de Julie Navarro soit teintée d'une mélancolie qui n'appartient
qu'à elle. Les teintes sont de fait éteintes.
Les punctums (ou plutôt
puncta) rouges sur fond verdâtre, qu'on pouvait déjà relever sur
certains de ses collages anciens comme celui qu'elle a intitulé Un
tout petit cheval, rappellent les interventions de type «land art»
d'un Miguel Egaña — en particulier les «feuilles-scies» métalliques
peintes en un rouge très vif, installées par ce dernier dans le parc du
château de Chamarande.
Sauf qu'ici, sur les photos couleur aux modestes formats, les petits
disques rouges ne sont pas in situ, perdus dans la nature, mais
résultent d'interventions graphiques (hypergraphiques, diraient les
lettristes) précises, minimalistes, dans une tradition inaugurée sans
doute par Man Ray (Le Violon d'Ingres, 1924). Ces œillets
jurent, heurtent ou choquent... l'œil du spectateur.
Ils confèrent un aspect anthropomorphique ou, plutôt, zoomorphique aux
phénomènes topographiques que Julie Navarro a décidé de privilégier, en
les cadrant ou les isolant au moyen de l'objectif: la forme d'une
branche rappelle une tête animale, les yeux rougis alignés semblent être
ceux de chouettes, le point rouge sur un tas informe paraît être celui
d'un renard à l'affût. Le paysage est ici purement mental et la photo,
pictoriale.
Le diptyque photographique accroché nettement au-dessus de ces parties
de campagne ou de cette série «védutiste» part du portrait d'une vieille
femme, au visage austère, vêtue de sombre, trouvé dans un grenier,
préservé de l'oubli grâce à la numérisation. Est-ce pour insister sur
les travaux «féminins» d'aiguille?, Julie Navarro a noué quelques brins
de laine aux couleurs vives au sommet du crâne du personnage, formant
une crête et donnant à la vieille femme un aspect... punk.
Ces deux photos sont bizarres, énigmatiques. Pas du tout cousues de fil
blanc.